Le développement de Castlevania

Castlevania, à propos du développement

Série d’articles compilés depuis 2015 par sonnayuumi

 

Le développement des trois Castlevania sur Famicom est depuis bien longtemps entouré des nombreux mystères. Récemment, l’un des développeurs qui a été chaperonné par Hitoshi Akamatsu (directeur, créateur & programmeur) dans les années 90, a commencé à partager quelques souvenirs à son sujet dans une série de tweets. Ce développeur, qui a travaillé avec Akamatsu sur le titre Playstation « Fishing Game Tsuridou » à la fin des années 90, s’est avéré être un gros fan de Castlevania. Il a ainsi eu une série d’échanges avec Akamatsu au sujet de la conception & du développement de la franchise, en partageant quelques fragments au cours de ces dernières années. Alors qu’habituellement, je m’en tiens à des interviews officielles pour shmuplations, compte tenu du manque d’informations substantiels au sujet des premiers Castlevania ; j’ai considéré que dans le cas présent, cela méritait une attention particulière. J’ai fait en sorte d’organiser le gros de tweets par thèmes. Pour finir, j’ai également ajouté le commentaire d’un anonyme (nb : mais qui me semble crédible) d’une personne ayant œuvrée sur le développement de Castlevania III, probablement le planificateur Urata. 

 

BlackOak de shmuplations.com

 

 

 

Les seules photos connues d’Hitoshi Akamatsu, mais malheureusement elles sont assez petites (un grand merci à Arc Hound!)

 

Hitoshi Akamatsu, le géniteur du légendaire Castlevania, était mon supérieur hiérarchique lorsque j’ai rejoint l’industrie du jeu vidéo (*). Je lui ai alors demandé, « Pourquoi est-ce que la famille Belmont doit se battre à l’aide d’un fouet ? » il m’a dit : « Cela collait avec l’univers du jeu que je voulais créer, et aussi loin que puissent aller d’autres armes, le fouet est très efficace pour repousser les ennemis. Et puis… j’aimais bien les Aventuriers de l’Arche Perdue (rires) ! ». Il m’a confié qu’à cette époque, beaucoup de développeurs étaient eux aussi férus de cinéma occidental. Une fois, alors que je discutais avec Akamatsu de ce que devait être la bonne position pour lancer une ligne de pêche (lors du développement de Tsuridou), je me suis soudainement demandé : « Au fait, pourquoi Simon a-t ’il la posture d’un bossu ? ». Ce à quoi Akamatsu m’a répondu : « Parce qu’il est toujours sur le point de frapper à l’aide de son fouet ! » (rires).   

 

(*) Ceci fait référence au travail de Yuukai (en tant que planificateur) sur le jeu de pêche Tsurido pour le compte de Vingteum. Akamatsu y est crédité comme directeur sur ce jeu, ce qui semble être le dernier poste confirmé à ce jour après son passage chez Konami  

 

 

Les contrôles

 

Akamatsu était très strict au sujet des contrôles, des timings, des graphismes, et de la résultante de la pression d’un simple bouton, afin que tout ceci soit parfaitement cohérent.  Il était particulièrement attentif à la façon dont les contrôles étaient ressentis, et il s’assurait que cela apporte une satisfaction aux joueurs. Dans Castlevania, il désirait des contrôles, où après de nombreuses heures de jeux, les mouvements de Simon seraient ressentis comme la propre extension des membres du joueur. Une fois, j’ai dit à Akamatsu, que l’une des choses les plus difficiles dans Castlevania, était la facilité déconcertante avec laquelle Simon pouvait être poussé dans un trou au simple contact d’un ennemi. Et il me retorqua : « Ouais, mais pose le problème autrement… Simon ne meurt pas en un seul coup, mais Mario oui ! ». Et moi j’étais là : « Ah, mais ouais ! » 

  

 

L’équilibrage du jeu

 

Le sens qu’avait Akamatsu de la conception d’un jeu était extrêmement poussé. Dans Castlevania, le couteau apparaît en premier, ainsi le joueur peut s’habituer à utiliser une arme secondaire. Il a aussi créé la montre pour l’on puisse se familiariser avec les attaques des ennemis. Après, les armes les plus puissantes sont la croix et l’eau bénite. C’est ainsi qu’il a pu déterminer l’ordre dans lequel apparaissent les armes dans le jeu. Une fois, je lui ai posé plusieurs questions au sujet du combat contre la Mort, en insistant sur la difficulté de cet affrontement. Et il m’a dit : « L’idée de game design était que les joueurs comprennent comment utiliser la croix & la hache. Si quelqu’un est capable de le battre uniquement à l’aide du fouet, il s’agit alors de quelqu’un de très fort ». Il m’est impossible de le battre uniquement à l’aide du fouet. Mais si vous analysez les mouvements des faucilles, je peux comprendre que ça devienne possible (même si c’est très difficile) de le battre uniquement à l’aide du fouet. Apparemment, les joueurs en charge des tests en étaient capables. Je pense qu’il voulait que n’importe qui soit en mesure de finir ses jeux, car il m’a dit que son standard de difficulté correspondait à sa capacité même à finir le jeu. Une fois j’ai demandé à Akamatsu pourquoi la viande permettait de redonner de la vie. Il m’a répondu : « Mais qu’es-tu en train de dire ? Ne trouves-tu pas que cela devrait être une évidence pour les joueurs (rires) ? ». Je suppose qu’il a probablement utilisé les sacs d’argent comme des éléments de score pour cette même raison (rires).       

  

 

Dracula

 

Selon Akamatsu, lorsque l’on affronte la seconde forme, il ne s’agit pas de Dracula mais une incarnation du 人 い (hito no noroi, soit « la malédiction de l'homme »).

 

La raison pour laquelle vous n’obtenez qu’un seul et unique point au moment où vous abattez Dracula, tient à un bug : du fait d’un temps de développement extrêmement court, Akamatsu n’avait pas saisi toutes les particularités du processeur de la Famicom, et il s’est trompé de bit. C’était censé être 10'000 points (rires). Dans le premier Castlevania, j’ai demandé pourquoi la tête de Dracula vole après avoir l’avoir vaincu dans sa première phase : « Sa tête ? C’est une façon d’annoncer la résurrection de Dracula. »  

 

 

Le combat contre Dracula

 

Ainsi, lorsque l’on voit des parties de son corps se disperser dans tous les sens, cela était aussi une façon d’annoncer que Dracula reviendrait. En fait la seconde forme que vous combattez était censé être l’incarnation même du « Mal » qui ronge l’humanité, et non Dracula. Comme la plupart des gens, je pensais qu’il s’agissait juste d’une version boostée en mode monstrueux de Dracula. Un jour, j’en riais devant Akamatsu. Il a complètement refusé cette idée (rires) : « Il s’agit d’un monstre né du malheur des hommes ». Et il a ajouté : « En temps de paix, Dracula n’existerait tout simplement pas » (*). Il m’a également expliqué en quoi les engrenages que l’on peut apercevoir dans le château de Dracula sont à l’image de son cœur. Ils continuent à tourner tant que Dracula vit. C’est pourquoi dans la fin de Castlevania, on voit la Tour de l’Horloge s’effondrer, mais que la structure du château reste intacte. Akamatsu m’a indiqué qu’il voyait cela comme une façon de faire allusion à une suite. Je pense que l’on peut y voir une forme de clin d’œil aux films d’horreurs.

 

(*) Ici en japonais, on parle d’Hiroi No Noroi. La conséquence étant que l’existence de Dracula est d’une certaine façon liée à la nature destructrice de l’humanité, une idée qui sera approfondie dans les suites.  

 

 

Castlevania II – Simon’s Quest

 

Pour ce jeu, les zombies devaient être à l’origine des Jiangshi, un design que Capcom a par la suite repris pour le personnage de Hsien-ko dans Darstalkers. Pour une raison inconnue, ce fantôme chinois était très populaire au Japon dans les années 80.

 

Au Japon, le jeu s’appelle « Dracula 2 », mais au Etats-Unis il l’appelle Simon’s Quest. C’est Akamatsu lui-même qui a trouvé le titre. Au vu de l’aspect exploration/action du jeu, j’ai demandé à Akamatsu si Metroid l’avait influencé lors du développement : « Si je me devais de t’avouer quelque chose à ce sujet, je penserais plutôt à notre propre Maze of Galious chez Konami ». Les zombies qui apparaissent la nuit dans les villes de Simon’s Quest, sautaient de base dans tous les sens, un peu comme le fantôme chinois du nom de Jiangshi, qui à l’époque était très populaire. Les personnes qui ont testés le jeu ont indiqué qu’elles les trouvaient trop fort, donc Akamatsu les a à contrecœur revus pour en faire de simples zombies déambulant dans les rues (rires). 

 

 

Castlevania III – Dracula’s Curse

 

Akumajo Densetsu représente l’apogée de la série sur Famicom par sa qualité, aussi bien pour sa bande son que son gameplay. A l’époque de la Famicom, les ventes des jeux Tortues Ninja correspondaient à nos meilleures ventes à l’étranger, et en raison de cette situation, l’équipe en charges des Tortues Ninja avait la priorité sur toutes les autres. La Castlevania Team (ainsi que d’autres ne générant pas suffisamment de chiffre) survivait avec quelques restes. Il aurait été tout à fait possible des continuer la série sur Famicom, mais elle vivait dans l’ombre des Tortues Ninja.    

  

 

A propos d’Hitoshi Akamatsu

 

Akamatsu adorait le cinéma. Et dès qu’il s’agissait de ses propres créations, il les voyait sous l’œil d’un réalisateur de cinéma. Il parlait souvent de cette impression « cinématographique ». Il nous disait des choses tels que « Tente de respecter ce cadre visuel ». Quand je lui ai dit que je trouvais les compositions de Castlevania étaient fabuleuses, il m’a alors dit : « C’est parce que les visuels & le son ont été crées par des personnes qui cherchaient à faire quelque chose de cinématographique ». Et de son côté, il a tenté d’y ajouter un gameplay qui soit intéressant. On a aussi souvent noté que dans bon nombre de jeux Konami des 80’s, on retrouvait souvent des motifs qui rappelaient les travaux de H.R. Giger. C’est en fait parce qu’Akamatsu avait vu Alien et ne cessait d’en faire des éloges autour de lui, qu’il a finit par le populariser dans toute la boîte. Le fait qu’il n’ait jamais repris ce genre de design dans ses propres titres, dénote toutefois du côté malicieux du personnage (rires). Après avoir travaillé sur la série Castlevania, Akamatsu a aussi développé l’un des petits bijoux méconnus de la Famicom « Jarinko Chie Bakudan Musume no Shiawase Sagashi ». Il a travaillé sur tous les aspects du jeu, que ce soit la conception même du titre, jusqu’au logo. Les suites de Castlevania développées par Akamatsu ne se sont pas très bien vendus. Il a été démis de ses fonctions et a dû travailler dans l’un des Game Center de Konami. Il a fini par donner sa démission. D’après Akamatsu, Konami se focalisait avant tout sur le profit, et les développeurs qui ne réussissaient pas à créer des jeux qui généraient du chiffre, se faisaient dégager les uns après les autres. Une bonne partie d’entre eux ont rejoint Square Enix pour y faire du très bon travail. J’ai tout de même demandé à Akamatsu ce qu’il a pensé de Chi no Rondo au moment de sa sortie. Il m’a simplement dit « je n’y ai pas joué » (rires). A cette époque, il était bien plus intéressé à la façon dont il pourrait concevoir un jeu du même calibre que Final Fantasy VII ; plutôt qu’un Castlevania qui était de l’histoire ancienne (rires).  

 

 

Castlevania III - Commentaires du développeur (2012)

Issus du fil de discussion 2ch

 

Nb : 2Ch est notamment connu pour son anonymat, et en me basant sur les commentaires ci-dessous, mon flair me dit qu’il s’agit de I.Urata, le planificateur & chara designer sur Castlevania III.

 

J’ai été développeur sur Castlevania III. A cette époque, pour un projet Famicom, la structure d’une équipe de développement suivait un schéma basique : un programmeur en chef, un responsable pour le chara design et une personne en charge de la musique (parfois il s’agissait d’une personne venant d’un autre département). Il n’y avait pas une sorte de « créateur » à la manière d’un Hideo Kojima sur Metal Gear. Un simple & unique programmeur pouvait agir comme chef d’équipe et était systématiquement listé comme directeur. Sur Castlevania III, toutes les décisions & la planification ont été décidés lors de réunions avec toute l’équipe (les chara designers jouaient souvent un rôle de premier plan en définissant l’imagerie du jeu). Pour en revenir au choix de personnages, nous essayions de revenir aux sources de la série, tout en élargissant le spectre du gameplay ; et ce système de choix de personnage était la solution que nous avions trouvé lors de nos réunions de groupe.

 

 

 

L’influence du style de Giger dans les titres de Konami, comme dans Contra par exemple, tient apparemment au prosélytisme d’Akamatsu dans les bureaux !

  

 

 

 

J’ai travaillé sur l’histoire, les dialogues, le scénario (bien que je ne sois pas vraiment sûr de savoir si nous avions un « vrai » scénario… ?), le background des personnages & sur les cartes des niveaux (les arrières plans & tous les étages). Les programmeurs prenaient ces niveaux finalisés et décidaient où il fallait placer les objets & les ennemis. Le «C» dans Ralph C. Belmondo veut dire Christopher, bien que je ne sache pas si cela ait bien été stipulé dans les documents officiels. Tout comme la confusion dans la timeline (nb : dans la suite de la série), cela vient peut-être du fait que ces jeux avaient été développés par des équipes différentes. Par ailleurs je ne travaillais plus ici au moment où Castlevania Adventures est sorti. Akamatsu ne me semblait pas le genre de personnes à accorder une grande importance à ce genre de détails, c’est peut-être pourquoi cela n’a aucun sens. Je ne connais rien à la chronologie d’Iga (nb : personne qui a pris le relai sur la série à compter de Symphony of the Night) et tout le reste. J’étais très jeune lorsque j’ai travaillé sur Castlevania III, et je ne cessais d’exaspérer les autres membres de l’équipe. Tout ce je voulais faire, c’était un bon jeu. Mais quand je repense à tout ça, je me sens mal à l’aise, que ce soit pour les mots dont j’ai usé, ou bien la façon insupportable dont je me suis comporté. Si j’avais l’opportunité de m’excuser auprès de tout ceux que j’ai pu blesser, je le ferais. Ma petite fierté effrontée a fini par bouleverser l’harmonie du groupe. Et j’en suis vraiment désolé.  

 

 

TRADUCTION ORIGINALE DE BLACKOAK POUR www.shmuplations.com
SOURCE : http://shmuplations.com/castlevania/

PATREON : www.patreon.com/shmuplations

 

 

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